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50 ans d'équipement policier

Exemples concrets de l'explosion des moyens de répression en France après mai 68

Quand nous évoquons la question de la répression en France, il y a un élément que nous ne pouvons esquiver : les moyens de cette répression.

Les paniers à salade remplacés par des blindés. Les CRS robocops en nombre toujours croissant. Les armes "sublétales" généralisées. La nasse systématique. Etc.

La militarisation du "maintien de l'ordre" est continue depuis les années 70/80, partout dans le monde. Sarkozy a été de ceux qui leur a donné un gigantesque coup de pouce en France. Hollande a continué, et Macron a encore accéléré. La commande récente de 90 VBP Centaures en est un bon exemple. Et ne parlons même pas du boom de la "surveillance" (drones, caméras, fichage, etc.).

Plus concrètement, nous pouvons constater que l'État reproduit une répression comparable à celle des mouvements de mai 68. Mais cette fois, il emploie des moyens sans commune mesure avec ceux employés il y a plus d'un demi siècle.

Équipement des CRS

En 1968, un CRS ressemblait à ça :

Équipement d'un CRS en mai 68

Un simple bouclier rond opaque, une matraque légère et aucune protection en dehors d'un casque "saladier" léger.

Et aujourd'hui :

Equipement d'un CRS aujourd'hui

Casque antiémeute intégral avec visière, masque à gaz avec lunettes, gilet pare-balle, coquille, pantalon et veste ignifugés et armure complète, avec des protections pour les épaules, bras, poitrine, coudes, avant-bras, abdomen, mains, cuisses, genoux, jambes et pieds.

Ici, le CRS est présenté avec un bâton long de combat, qui est dans les faits plus souvent remplacé par un tonfa associé à un bouclier léger transparent permettant la charge.

Notez qu'en mai 68, moins de CRS avaient un bouclier, et que ceux-ci sont devenus plus légers et transparents afin de permettre de charger les manifestant·es.

Camions antiémeute

En 1968, les "canons à eau" était très limités (et peu nombreux) :

Camion antiémeute en mai 68

Un simple fourgon de deux places, avec une citerne de capacité modérée à l’arrière et une unique lance à incendie (comparable à celles utilisées par les pompiers) accrochée sur le toit de la cabine. L'avant du camion est largement cabossé, preuve de sa fragilité, n'ayant subi que très peu de modifications.

En 2023, nous sommes confronté·es à ça, en plusieurs exemplaires dans toutes les grandes métropoles :

Camion antiémeute actuellement utilisé par la police française

Un monstre ! Il s'agit d'une base de poids lourds Renault Kerax dont la carrosserie et les vitres sont entièrement blindées pour résister à des balles de Kalachnikov. Les pneumatiques sont également renforcés. La cabine de pilotage est même pressurisée en cas de fumigènes.

Côté équipement, une rampe de LED éblouissantes ainsi qu'une sirène surpuissante sont installée sur le devant ; un canon à eau à pilotage électronique, alimenté par une motopompe de 270 chevaux, délivre une pression en sortie de canon de 20 bars.

La cuve de 4200 litres contient souvent de l'eau mélangée à un autre liquide, lacrymal, odorant type "skunk", ou à un "marqueur" (colorant spécial unique et très résistant, permettant non seulement d'identifier qu'une personne était présente à une mobilisation réprimée, mais aussi laquelle, très précisément).

Véhicules blindés

En 68, la police ne disposait pas vraiment de véhicules blindés. Elle a donc utilisé des bulldozers et pelleteuses.

Pelleteuse détruisant une barricade en 68

Ici, un exemple rue Saint Jacques, où l'armée à recours à une pelleteuse pour déblayer la voie d'une barricade de pavés et d'une 2CV brulée.

Depuis, la situation a bien changée.

Véhicule blindé VBX 170

Ce véhicule, de son petit nom "VXB 170", a notamment été utilisé contre les gilets jaunes en 2018 et 2019 à Paris, Marseille et Bordeaux. Véhicule blindé de transport de troupe à quatre roues motrices, il est construit autour d'une caisse rectangulaire en acier, reposant sur une suspension par point rigide. Une large vitre sur le devant est le plus souvent protégée par une grille de protection.

Il transporte un conducteur, un opérateur tourelle et un chef de bord, complétés par un groupe tactique de six à huit gendarmes. La tourelle est de base équipée d'une mitrailleuse tirant des balles de 7,5 millimètres à 900 coups par minute, pouvant être remplacé par un dispenseur lacrymogène.

Mis en service en 1974, il a été considéré insuffisant pour "lutter contre le terrorisme" (la bonne excuse), et est donc progressivement "remplacé" (ou plutôt, complété) par le VBP Centaure :

Véhicule blindé VBP Centaure

Le Véhicule Blindé Polyvalent (VBP) Centaure est un énorme véhicule routier type 4x4 à quatres portes latérales, pouvant transporter dix policiers. 6,24 mètres de long, 2,45 de largeur, 3,82 de hauteur, pour un poids de 14,5 tonnes. Son blindage est intégral, contre les balles de calibre 7,62 millimètres, les mines et les éclats. Il est même équipé d'une mitrailleuse AANF1 7,62 × 51 mm OTAN.

Quatre-vingt-dix exemplaires seront progressivement livrés à la gendarmerie entre 2022 et 2024.

Armement létal

La question des LBD et autres armes "sublétales" dépasse largement cet article, étant donné qu'ils ont été introduits en 95 et généralisés en 2000. Pour tout connaitre à leur sujet, rendez-vous sur maintiendelordre.fr.

Les fusils des CRS, eux, dépassent carrément l'entendement !

En 68 la police était équipée de K98 et US17.

Policiers en rang portant un fusil

Ici, on peut voir des policiers en rang, montant à l'assaut d'une manifestation en 1968, équipés de fusils à verrou Karabiner 98 kurz, contenant seulement 5 cartouches de 7 millimètres. Vous remarquerez que les fusils sont tenus à l'horizontale au niveau de la ceinture, dans une position empêchant le tire : main droite sur la crosse, main gauche sur le canon. Ils étaient essentiellement utilisés pour donner des coups de crosse, et pour dissuader les manifestants d'user d'armes à feu.

Aujourd'hui, on peut carrément voir en manif des fusils d'assaut semi-automatiques HK G36 prêts à tirer !

CRS armé perdu à Nantes

Sur cette photo prise à Nantes (Cours des 50 Otages) le 18 mars 2023, on peut voir un CRS durant une manifestation. Il a l'œil hagard et est clairement à bout de souffle, dépassé par les évènements. Il brandit un fusil d'assaut semi-automatique HK G36, dans une position prête au tir : main gauche sur la crosse, index tendu sur le pontet, prêt à saisir la gâchette, main droite libre pour supporter le canon. La sécurité de l'arme est en position semi-automatique, donc prêt à tirer.

Lisez l'article associé de Contre Attaque, il est édifiant.

Usage proportionné ?

Jusque-là, les éléments que nous avons vus étaient essentiellement destinés à la "dissuasion", suivant l'idée que les militant·es sont peu susceptibles de s'attaquer à des robocops et véhicules blindés comme iels l'avaient fait en 68.

Mais ici, on peut voir que le HK G36 dépasse largement cet objectif, ce qui est absolument injustifiable.

Les armes létales des Forces de l'Ordre sont supposément uniquement dissuasives (n'utilisez pas d'arme, sinon...) car réservées à la riposte (légitime défense) hors réponse graduée. Comment imaginer qu'un fusil d’assaut puisse constituer un "usage proportionné de la violence" ?!

Graphique représentant les 5 stades de réponse des fdo : mise en place, 3 niveaux de réponse graduée, et en dernier lieu, riposte

Perspective historique

Deux évènements, ou plutôt deux périodes, ont tout changées dans le "maintien de l'ordre" français :

Mai 68 a tout d'abord fait réaliser au pouvoir que la colère populaire pouvait s'intensifier au point de le mettre en danger. Ils ont donc fait en sorte de rapidement équiper les CRS "en proportion".

Sur cette photo, une comparaison de leur équipement en mai 68 et mars 69 :

Equipements cote à cote

L'équipement de maintien de l'ordre est encore rudimentaire en Mai 68 : imperméable, casque, lunettes, matraque en caoutchouc ou en bois (les " bidules "), gant protecteur et, plus rarement, petit pistolet.

En mars 1969, tout l'équipement est revu et corrigé, avec notamment l'apparition des boucliers transparents, d'une visière sur les casques, d'un fusil lance-grenades et de bottes plus solides.

Pasqua a bien surfé sur cette vague dans les années 80 et 90.

Puis est venue la période du terrorisme, exploité par Sarko puis Hollande, afin de justifier une militarisation totalement disproportionnée.

Fini de rigoler, l'ère du tout répressif est instaurée. Au risque de faire escalader les violences.