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Qui a vraiment inventé les ordis et l'hypertexte ?

· 6 minutes de lecture

La môman de toutes les démos

Pour commencer, voici la capture de la conférence en entier :

J'avoue être personnellement assez fan de ce type d'image, après avoir regardé en boucle Planète interdite étant gosse, et avoir dévoré les premières saisons de Doctor Who par la suite. Bon, je me doute bien que ce n'est pas le cas de tout le monde.

Ah, la bonne vieille SF de papy. Me vieillissez pas trop non plus, le film est sorti prêt de 30 ans avant ma naissance hein ! Bon, par contre, je le regardais en VHS.

Alors, comme cette vidéo est assez longue, vous pouvez la zapper et consulter directement la page de présentation sur le site de Douglas Engelbart.

Bon, qui c'est qui a inventé le Web du coup ?

Alors oui, forcément, je vous ai un peu piégé avec ce titre clickbait. Tim Berners-Lee est évidemment l'inventeur principal du World Wide Web. Il a bel et bien créé le HTML et l'HTTP au CERN en 1989, en même temps que le tout premier navigateur.

Mais on reviendra là-dessus une autre fois si vous voulez bien.

Car une fois passée la "petite anecdote" relative à l'hypertexte, cet évènement historique est surtout lié à l'histoire des ordinateurs, de l'IHM, et de l'innovation technologique en général.

Plus on remonte dans le passé, plus il est facile de trouver de grandes et "incroyables" idées quasi prophétiques. On pourra notamment remarquer que d'autres projets et articles, bien plus anciens, ont eux-mêmes inspirés Douglas Engelbart. Mais ce type de "visionnaire" donne généralement bien plus de suppositions hasardeuses que de réelles idées novatrices. On décide simplement, pour l'anecdote, d'ignorer les premières pour exagérer les secondes.

Dit pépé, c'est quoi un ordi personnel ?

Pour le coup l'ARC — Augmentation Research Center, branche du Stanford Recherch Institute (SRI) — a fait exception. Les interfaces de nos ordinateurs personnels ressemblent beaucoup aux éléments démontrés durant la "mère de toutes les démos", avec la souris, la métaphore du bureau, et l'hypertexte. Et pour cause.

Le Xerox Alto est lui-même créé au début des années 70 sur la base des travaux du SRI, mais ne sera jamais commercialisé. Ce qui n'empêchera pas Apple de s'en inspirer pour créer le Macintosh 128K, en 1984. Macintosh qui sera lui-même "copié" par Microsoft pour créer Windows. Bref, vous connaissez la suite.

Le Xerox Alto

Il faut cependant se remettre dans le contexte de l'époque pour réaliser à quel point la "mère de toutes les démos" était en avance sur son temps. Bon, globalement, vous savez déjà qu'à l'époque, un ordi, c'était surtout un gros machin dans une grande salle, partagé entre plein de gens. Pour autant, il était déjà possible, dans les années 60, de se procurer un ordinateur personnel.

Le "premier ordinateur personnel au monde", le Programma 101, est né en 1965, et reste commercialisé jusqu'en 1971. C'est une belle bête d'un kilo, qui ressemble plus à une caisse enregistreuse qu'à autre chose.

Le Programma 101

Programmer le P101 demande d'utiliser des cartes perforées en entrée, pour obtenir, en sortie, des informations imprimées sur un rouleau de papier. On est donc très loin de nos ordinateurs modernes. Le P101 offre cependant des fonctionnalités bien plus avancées que ses successeurs directs.

L'Altair 8080 et le Micral, respectivement édités en 1975 aux USA, et en 1971 en France, sont souvent présentés comme "LE premier ordinateur personnel" (en fonction du pays considéré).

Prototype du premier Micral, tel que commercialisé en 1971

Toute la nuance ici est dans le sens qu'on voudra donner au mot "personnel".

Car le P101 est alors vendu au prix exorbitant de 3200 dollars US (soit l'équivalent de 23000 euros en 2021). Il est donc loin d'être à la portée de tous, tandis que l'Altair sera distribué en kit pour 400 dollars (2000€ en 2021), et le Micral pour 8500 francs (entre 8000 et 8500 euros en 2021 ... le prix de la qualité française je suppose).

Pour être précis, on a longtemps fait la distinction entre les "ordinateurs personnels" et les "micro-ordinateurs". La première catégorie fut surtout, initialement, représentée par des calculateurs programmables "compacts" à usage professionnel, comme le P101.

La seconde, de son côté, désigne des machines plus polyvalentes, donc "grand public". Le Micral et l'Atlair, bien que très limités, furent les premières machines commercialisées avec cette appellation.

Ce qui nous amène à ma conclusion relative aux innovations qui "attendent simplement leur bon moment".

Et donc, le Web a été inventé au "bon moment", c'est ça ?

En 1989, Tim Berners-Lee créé le tout premier navigateur sur un ordinateur NeXT, avec une souris, un environnement de bureau, et tout le reste.

L'ordinateur NeXT de Tim Berners-Lee au CERN, le tout premier serveur web de l'histoire

Le langage HTML est lui-même inspiré de Enquire, un système hypertexte que Tim avait créé pour son usage personnel. Il ne s'agissait cependant que d'un logiciel hypertexte parmi tant d'autres, comme NLS (oNLine System), présenté par Engelbart et son équipe en 1968.

NLS n'était pas à propre parler le tout premier système hypertexte. On peut par exemple citer HES, créé par Ted Nelson en 1967, qui fut notamment utilisé pour documenter la mission Apollo.

Et, bien entendu, le Web n'aurait jamais pu voir le jour sans la création d'Internet, et donc des protocoles TCP/IP.

Comme le reste, le Web s'est juché sur des épaules de géants.

Certains de ces "géants" étaient même tout petits et rigolos, mais on en parle assez peu.

Est-ce que le petit Tim jouait vraiment au petit train ?

Allez, une dernière info bonus avant de vous laisser : Tim Berners-Lee jouait bien au petit train quand il était petit. C'était même un "trainspotter".

Oui, c'est également ce mot qui donnera bien plus tard son titre au superbe roman de Irvine Welsh, Trainspotting, et à son adaptation cinématographique tout aussi géniale. Mais je m'égare...

En bref, ça veut dire "des fans de trains, qui aiment voir passer les trains". On s'occupait comme on peut sans ordi...

De l'aveu de Tim, son amour des petits trains a fortement contribué à sa passion pour l'électronique et donc, plus tard, pour l'informatique (même si avoir deux parents informaticiens a dû jouer un chouïa, j'imagine).

En somme, nous pouvons donc affirmer sans détour que le Web n'aurait jamais vu le jour sans les petits trains !